ces petites filles qui veulent grandir trop vite

 

Avez-vous déjà remarqué avec quelle vigueur le commun des mortels s’obstine à passer pour ce qu’il n’est pas ? De la pré-ado en string-talons, en passant par la trentenaire aux porte-monnaie Hello Kitty, les rues ne sont finalement jamais plus qu’un joyeux bordel à ciel ouvert.

Aidée par notre amante la plus fidèle j’ai nommé, la télévision, cette mode du déguisement permanent n’épargne personne, et certainement pas la jeunesse actuelle. Ça se dandine, ça ricane fort avec sa petite bouche peinturlurée bon marché, ça minaude du haut de sa paire de bottines taille 32, bref, de la fillette bien décidée à abolir prématurément la période de l’enfance.

Manon, 12 ans environ, sortie entre copines au centre commercial. Elle le sait, avec son makeup grossièrement étalé sur ses fenêtres oculaires, les jalouses n’auront qu’à bien se tenir. Petit sac à main noir « strassé » qu’elle fait se balancer à la commissure de son coude, mini serre-tête solaire griffé RayBan, mini veste en presque cuir, mini leggins, mini talons mais surtout, mini manières de femme d’affaire, comme maman j’imagine. Manon a ce pas assuré, typique de toutes ces working girls pédantes, capables d’écraser du mâle en un regard. A 12 ans, la petite a déjà tout d’une grande. Elle, et sa main relevée façon mendiante, histoire d’afficher l’accessoire imitation Vuitton où je présume, des malabars et autres porte-clefs de journal intime princesse Disney se font la malle.

Baby bêcheuse, future reine des plans cul d’un soir qui feront d’elle sa marque de fabrique. Ne te presse pas joli cœur, de devenir comme maman, divorcée à 35 ans, enviant tes 12 ans, et ne jurant que par son job si « full of brainstorming », si « yeah yeah yeah pump it up », si « oh my gosh, I’m so busy !». Toi aussi, tu seras aigrie avant l’heure, mimant une pseudo « wonderfull life » so empty de « fast love food ». Toi aussi tu revendiqueras ton indépendance le jour pour pleurnicher ta solitude la nuit. Et toi aussi, tu vivras ce moment où brusquement, l’envie de paraître plus mature passera le relais à celle de paraître plus fraîche.

Mais en attendant, Manon cultive sa personnalité. C’est vrai, c’est important la personnalité ! Et Manon le sait, elle en a. Sans pour autant réellement savoir ce qui se cache derrière ce terme mais peu importe, ils le disent dans « Les Anges de la téléréalité ». Et s’ils le disent, c’est que c’est forcément bien. Des gens chouettes d’ailleurs que ces gens là ! Des gens vrais ! Parce qu’être faux, c’est quand-même pas très pratique. Des gens vrais avec même beaucoup de principes. Oui, ces gens-là ont toujours beaucoup de principes. C’est mieux pour défendre l’indéfendable. Mais surtout, les idoles de Manon sont eux-mêmes ! Alors Manon, elle est elle-même ! Sa meilleure amie aussi elle est elle-même. C’est bien simple, toutes les deux, elles sont identiquement elles-mêmes. Paraîtrait d’ailleurs que la voisine aussi, l’est. Mais en pas pareil. En moins bien en fait. Parce que la voisine aimerait être unique mais on ne peut pas être unique et soi-même sans entrer dans le moule de chacun. « Be yourself, comme tout le monde » comme dirait l’autre.

Toutes ces petites filles qui ne rêvent que de grandir trop vite m’attristent finalement bien plus qu’elles ne me mettent en colère. Terminés les dessins-animés à générique et bonjour NRJ12. Princesse Sarah et Nicky Larson ont désormais laissé place à Benoit et Nabilla, troquant l’éducation infantile contre celle des tatouages et du paraître. Le tout représenté par une jeunesse hystérico-colérico-prout confondant bien trop souvent « avoir du caractère » et « manquer d’éducation ».

Alors non, vos petites filles ne sont pas mignonnes lorsqu’elles s’essaient au déhanchement de Shy’m, elles ressemblent juste à ces dindes écervelées qu’on aurait mis sous acide pour déconner.