la polémique autour de D+ For Care et Claire Despagne

Après ma mise au point sur  les Zèbres, va pour un nouvel article ancré dans l’actualité.

Le skincare à base de CBD, les culottes menstruelles, les compléments alimentaires, voilà le genre de marché qui ne connaît pas la crise. En manque d’inspiration pour créer votre start-up ? Piochez-donc dans le commerce mainstream (et accessoirement, ayez de bonnes relations à portée de main) et vous serez certains de tomber juste. Être innovant pour réussir ? Ringard ! Le respect ? Les valeurs ? De simples outils marketing. Rien de plus que l’assurance de se mettre le client dans la poche pour pouvoir remplir les siennes. Tous respectueux de l’environnement et pourtant, tous en train de reproduire encore et toujours de soit-disant « nouveaux » produits déjà présents sur le marché (à l’utilité et l’efficacité parfois douteuses) en contribuant à la sur-consommation. (Il s’agirait d’expliquer un jour à toutes ces jeunes marques clonées souhaitant protéger l’environnement que la meilleure façon d’y parvenir serait … de ne pas exister). Mais qu’importe. L’objectif n’est pas à la cohérence ou à la sincérité, l’objectif est à celui du chiffre. « Plus », encore et toujours « plus ». Voilà le let’motiv’ sensé tous nous animer. S’acheter 1, 2, 3 maisons, voire davantage, cumuler les comptes en banque, écraser son prochain pour mieux se sentir exister…

C’est dans ce contexte qu’une polémique vient tout juste d’éclater.

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D+ For Care et son amour des stagiaires

D+ For Care, énième marque de compléments alimentaires (toi-même tu sais) revendiquant « une approche holistique et globale de la beauté et du bien-être ». (« Le bien-être », ah ah ah … JE ME MARRE !) ; la marque donc, s’est faite remarquer par les propos de sa créatrice dans le podcast « Liberté d’Entreprendre » (La vidéo complète correspondante ayant vite été retirée de YouTube). Claire Despagne nous exprime à partir de la 26ème minute d’une interview complètement lunaire, sa difficulté à trouver des stagiaires et s’indigne qu’ils ne souhaitent pas travailler au-delà de 35h. (C’est dégueulasse ! Tous ces jeunes qui exigent le bien-être – holistique ? ^^ – et ne veulent pas se sentir exploités, mais quelle honte ! Se faire respecter !? So « never-been » !). Ah ben oui mais quand on veut gagner au Monopoly (sans perdre 20 000 Francs et sans passer par la case prison), il faut savoir donner de sa personne. Ou plutôt savoir donner de celle des autres ! On n’a rien sans rien eux !

« Nous on a des écoles qui nous disent, et j’ai pas honte de le dire et je peux le dire face caméra, si j’apprends que votre stagiaire fait plus que 35 heures par semaine, je le ferai arrêter votre stage. Ouais, ben ça va être dur pour votre stagiaire derrière […] ».

Tout en enchaînant sur les heures de travail souhaitées pour pouvoir réussir dans la vie.

« Dans le monde dans lequel je vis, si j’travaille pas 80 heures par semaine, il y a très peu de chances que j’ai mon appartement et une résidence secondaire et peut-être une autre après. »

Insinuant donc qu’un stagiaire se devrait de travailler bien plus de 35 heures par semaine. J’en profite pour rappeler qu’un code du travail existe (au cas où ça aurait échappé à quelqu’un) et que la loi s’applique à tous, sans exception. Je glisse également au passage qu’un stagiaire n’a pas pour vocation d’être un salarié déguisé, avec les mêmes missions mais pour une paie dérisoire (quand il est payé) ; mais bel et bien un étudiant (le plus souvent) dont le but est d’apprendre. Allez, on répète ensemble : A-PPRENDRE ! Sans compter que _ quel intérêt de s’investir démesurément dans une start-up qui ne nous appartient pas et qui, si j’en crois les nombreux témoignages s’accumulant sur la toile, ne ménage pas ses employés à bas prix ? Que la CEO se donne corps et âme pour ce qu’elle a créé, cela va de soi. Encore heureux ! Mais le stagiaire qui n’est souvent là que de passage, payé moindrement, quand il l’est, n’ayant parfois aucune reconnaissance/aucune considération, et dont le but premier est bien souvent de valider son année ne l’oublions pas, il serait insensé d’exiger de lui qu’il ait la même dévotion que la personne à la tête de son business.

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À la recherche d’une réputation perdue

Suite à ce récent scandale visant la marque « de luxe » (il existe donc des pilules anti-dépression … de luxe ? Les pharmaciens en PLS ! 😂), une chasse à la bonne réputation s’affaire.

(Soit dit en passant, si vous souhaitez prendre des compléments alimentaires, allez donc en pharmacie que diable ! De la B6/B12, du magniésium, du Ginseng appelé aussi « Ashwagandha » si on veut s’la raconter en famille pour Noël … toutes ces compositions n’ont rien d’exceptionnel, rien de « luxueux » -LOL- et sont accessibles à 7€ le flacon. J’glisse l’astuce économique là, l’air de rien. C’est cadeau 😉).

Mais revenons-en à cette chasse à la bonne réputation. Pour y parvenir, un seul mot d’ordre : SU-PPRI-MER !!! « Tu m’entends Corine ? Vire-moi toute cette merde d’internet ! Que ton stage me serve au moins à quelque chose ! ». Et va que j’te « pomme Z » les avis négatifs sur insta, sur FaceBook, sur Google (passant d’une note de 1,1/5 avec plusieurs milliers d’avis négatifs, à une note de 3,9/5 pour 67 avis majoritairement positifs, en 24h seulement). Good Job les stagiaires D+ For Care ! 80h de taf en 1 journée. Ça c’est ce que j’appelle de l’efficacité.

(Et c’est une nouvelle remontada, puisqu’on me dit dans l’oreillette que D+ For Care affiche désormais – en date du 17/05/2022 – la note de 4.7/5 pour 49 avis seulement ! Superbe remontée à coup de tacles en cascade pour les mécontents.)

Efficacité aussi lorsque le même personnel de Claire Despagne s’atèle à bonifier la réputation des petites gélules en postant de l’éloge pipée à l’aide de comptes perso’. Le cheat D+ for care, pire que Counter-Strike. 😂

TripAdvisor en revanche, conserve pour le moment sa note de 1,7/5 (plus difficile de faire supprimer les commentaires qui piquent ?). Plusieurs offres d’emploi ont elles aussi, été supprimées dans la foulée. (C’est pas dans le complément alimentaire que Dame Despagne aurait dû se lancer. C’est dans le ménage à domicile). Lundi encore, la start-up créée en 2017 dénombrait pas moins de 11 offres de stage pour 2CDD et 1CDI (avec un total de 22 collaborateurs travaillant dans cette start-up). La magie « pomme Z » ayant là encore opéré, ce chiffre a évidemment changé au profit de 4 offres de stage seulement pour 5CDI et 1CDD actuellement. Clap clap l’équipe d’esclaves D+ For Care ! Mais Internet étant ce qu’il est, les anciennes offres sont encore visibles et répertoriées ici, grâce à la WayBack Machine. Rien ne se perd, rien ne s’efface, tout s’archive ! Comme chacun sait, il est aujourd’hui plus facile de renommer un livre que de supprimer une information des méandres d’internet. À l’ère des captures d’écran, la cancel culture virtuelle n’existe pas. Et vouloir aller contre, c’est tout bonnement perdre son temps.

Voici donc ci-dessous l’extrait d’une offre de stage supprimée, avec un descriptif de poste que je qualifierais … d’ambitieux (mais libre à vous d’y répondre si vous êtes « passionnés par les compléments alimentaires » ! ). Mme Despagne s’interroge quant à sa difficulté à trouver des stagiaires ? Étrangement, je pense que bien des personnes comprennent, assez facilement d’ailleurs, pourquoi cette tâche lui est si rude. L’on peut éternellement se plaindre et imputer la faute à l’autre (la société, les jeunes, tout ce qu’ils nous envoient dans le ciel, tout ça toussa …) ; mais lorsqu’elle nous incombe, ne pas se remettre en question nous condamne inévitablement à rendre le problème persistant.

D+ for care  D+ for care

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Une époque révolue

Non contente d’exprimer –sa– réalité et –son– opinion concernant les heures de travail et les stagiaires, Claire Despagne a poursuivi en expliquant :

« Si vous étiez pas trop débiles vous aviez une belle start-up, une belle PME ».

« Si vous n’étiez pas trop débiles » … Autant d’arrogance et de mépris en une seule phrase, ça relève presque de la performance artistique. J’ajoute qu’il est toujours plus aisé de donner des leçons lorsqu’on a déjà toutes les cartes en main. Je vous laisse juger du réseau de la dame juste en-dessous :

Suivi de :

« Les gens viennent se former chez moi. […]. Avant de se demander ce que je peux faire pour eux, j’aimerais qu’ils se demandent ce qu’ils peuvent faire pour moi. »

Première chose rassurante, Madame Despagne est au courant que les jeunes viennent se former chez elle. Tout n’est pas perdu … 😉 . Elle est donc au courant qu’un stagiaire a pour objectif d’apprendre et non d’effectuer des missions à responsabilités, telles celles qu’effectuerait un salarié. Ce qui sous-entend, pas d’heures sup’ à répétition de la part du stagiaire, pas de burn-out en perspective, pas de responsabilités démesurées … bref, la base quoi. La deuxième partie de son intervention est quant à elle, tout à son image. Les stagiaires/salariés, doivent se demander ce qu’ils peuvent faire pour elle. (« Me, myself and I » ! Égo-trip enclenché ! On comprend mieux pourquoi la créatrice de la marque est en photo absolument PARTOUT sur son site D+ For Care. Même Nabilla n’en fait pas autant pour sa marque de makeup. C’est dire …).

Et c’est là que le fossé se creuse entre les générations.

Il fut un temps où le salarié était prêt à accepter énormément de choses, y compris parfois des conditions de travail infectes voire dégradantes. (Et les histoires de harcèlement en tout genre ne font que le démontrer). Mais les temps changent et les priorités aussi. Il faudrait être aveugle pour ne pas le remarquer. (TikTok en est le parfait reflet. cf : la vidéo ci-dessous). Pendant que la réussite se matérialise par le chiffre pour certains, elle se concrétise par les expériences de vie pour d’autres. L’intellect, la réalisation de soi, le respect, l’épanouissement personnel, et non l’accumulation de biens matériels, de possessions, d’argent et de pouvoir. Un job ne nous appartient pas. Nos expériences, si.

Ce que les anciens ont accepté sans broncher, la jeune génération n’en veut plus et personne n’aurait jamais dû l’accepter. À notre époque, celle de « Mee Too », « balance ton porc », « balance ta start-up » ou « balance ton agency » (qui ressence énormément de témoignages en commentaires), les langues se délient. Il n’est plus question de baisser la tête, de se taire, d’encaisser sans rien dire au détriment de son propre bien-être. (même avec une petite boîte de compléments alimentaires anti-stress D+ For Care 😉 ). Être là pour servir son supérieur hiérarchique, sans compter ses heures et sans même une reconnaissance humaine/économique, c’était valable pour les générations précédentes. Désormais, les jeunes (qui ont sûrement vu leurs parents trimer) n’en veulent plus et nous ne pouvons que les encourager en ce sens. Que ces accumulations de stages précaires restent le modèle économique plus que borderline de certaines start-ups, grand bien leur en fasse, mais qu’ils ne s’étonnent pas alors si ces mêmes stagiaires préfèrent s’épanouir chez le voisin. D’aucuns expliqueront ce phénomène sociétal par une inversion de l’offre et de la demande uniquement, redonnant le pouvoir aux chercheurs d’emploi dans un contexte de baisse du chômage. Mais il serait illusoire de croire que cette seule cause puisse tout expliquer.  Les changements de mentalité et d’aspirations jouent également un rôle dans cette redistribution, et mettre la tête dans le sable conduira inévitablement toutes les autruches dans le mur.

Que Claire Despagne ait « toujours rêvé d’avoir une grande tour d’immeuble en verre, avec plein d’employés, un énorme avion avec mon nom sur le côté » – (Me, myself and I again), c’est une chose, mais transférer ses ambitions démesurées, ses ambitions de « despote » comme elle en convient elle-même, à l’ensemble de la population, c’en est une autre. Son rêve à elle n’est pas le rêve de tous, loin de là.

Pendant que certains rêvent de biens matériels, de pouvoir, ou encore d’immobiliers, d’autres alertent sur cette démesure, cette avidité et cette volonté de produire et de posséder encore et toujours plus. « Don’t Look Up », à n’en pas douter, c’est ce que nous vivons tous actuellement, le réchauffement climatique en lieu et place de l’astéroïde dans le film. Il nous fonce droit dessus et nous persistons dans nos abus. Néanmoins, cette folie des richesses accumulées ne pourra pas éternellement durer. Félicitons-nous de voir que certains s’en préoccupent et que ces aspirations mercantiles aient de moins en moins de résonnance auprès de la jeune génération.

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Et de conclure …

… que si les start-up « engagées »/respectueuses de la planète, pouvaient l’être aussi des être humains, ce serait bien. Mais que Claire Despagne se rassure. S’il lui est désormais plus difficile de profiter de la jeunesse au sein de son entreprise, il lui sera toujours possible d’exploiter les créateurs de contenu. « Salut à toi jeune influenceur ! Tu préfères te faire respecter et vivre décemment de ton travail, ou tu veux bien faire ma pub gratos contre une boîte de gummies parce que pour toi, le complément alimentaire, c’est une passion ? J’crois que la question est vite répondu ! ».

Après ce bad buzz monumental dont la créatrice de « D+ For Care » est seule responsable, ce n’est plus « 3 maisons voire plus » que Claire va devoir viser, mais plutôt « un château en Espagne ». Et lorsqu’on voit les signalements URSSAF faits autour de ces dérives, on se dit que la vie est bien faite. (Ou que le karma est une pute, question de point de vue). Heureusement pour elle, Madame Despagne est paraît-il, la maîtresse incontestée des p’tites gélules anti-dépression. On dirait bien que l’heure est venue pour elle de les tester.

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Pour finir, n’oubliez pas que, quelle que soit la situation, le plus important reste d’en rire … dans un souci de bien-être holistique évidemment 😉

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Nb. : les parties les plus savoureuses de la vidéo (lorsqu’elle évoque les 80h de travail notamment) ont été retirées de Youtube. Je me suis donc contentée des bribes restantes récupérées sur Twitter que vous voyez juste au-dessus (bribes de Twitter retirées aussi du réseau social. C’est plus Claire Despagne à ce niveau-là, c’est « Claire DesTop entretien réputation » ).

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