écriture inclusive

« [L’Académie Française] épouse son temps, sans céder aux dérives de la mode et de la facilité, et […] sans donner dans le travers qui consiste à faire semblant de croire que la féminisation des mots est un accélérateur de parité. » – Simone Veil (2010) lors de son discours de réception à l’Académie Française.

Débat sur l'écriture inclusive

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« J’irai cracher sur vos tombes » qu’il disait Boris Vian …

Mais pourquoi s’encombrer du point de vue de son « idole »  (qui appelait elle-même sa consœur « Madame le Secrétaire perpétuel ») lorsqu’il est tellement plus confortable de lui attribuer les intentions qui nous plaisent ? Heureusement qu’il existe ces justiciers du XXIème siècle (ou plutôt : « ces justicier·ère·s du 21ème siècle ») pour faire se retourner Madame Veil dans sa tombe ! Même mort, le sport, c’est important.

Alors, prêts à gribouiller du « ·e » pour se sentir exister ? Cela voudrait-il dire que ce simple « ·e » à l’écrit, aurait le pouvoir de nous faire apparaître « à l’oral », sans même être prononçable ? Que nous n’existons pas sans lui ? Qu’il aurait également le pouvoir de transformer les pires crétins-misogynes en fervents défenseurs des femmes ? Existerait-il alors un « ·€ » pour transformer les découverts bancaires en richesse insolente, comme par magie littéraire ? (C’est pas pour moi, c’est pour un ami). Et cette écriture inclusive est-elle finalement si inclusive que cela ?

Tant de questions (que tous n’ont manifestement pas eu le temps de se poser), tant d’objectifs et surtout, tant d’espoir, placés en ce simple « point médian ». L’écriture inclusive (ou rédaction épicène, selon la mode, l’époque), aujourd’hui érigée au rang de bataille ultime par certaines personnes, semble cristalliser bien des tensions. Certains exigent son enseignement dès la primaire quand d’autres vomissent littéralement cette orthographe pour le moins « cavalière », qui donnerait presque le sentiment de bégayer par les yeux.

Et si on se posait quelques minutes pour faire le point ?… (Le point / point médian … tu l’as ? Ah ah ah ^^ LOL)

 

1- « Le masculin l’emporte sur le féminin ».

Allez viens, on fait un peu d’histoire. Avant, ils écrivaient comment les gens ? Et bien cela va vous paraître bizarre, mais avant, les gens écrivaient … comme ils le souhaitaient. Le fameux « comme ça se prononce ». Pas de règles, pas de normes, pas de problème. Ou presque (Vin dieuuu. Técriré touô, eeen gen dla Bourgôgne ?) … C’est à dire qu’à un moment, le but, c’est quand-même de se faire comprendre. Le latin laisse sa place au Français en 1539, une académie Française se forme et presque un siècle plus tard, en 1651, l’académicien Scipion Dupleix (1569-1661) écrit ceci : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins […] »  dans l’ouvrage « Liberté de la langue françoise dans sa pureté«  (et on aime le vieux François !). Ce sont les balbutiements, les hommes sont seuls représentants et c’est-à-dire que sous Louis XIV (« Louis croix bâton vé » ou « Louis 14 » pour les moins habiles), les questions d’égalité hommes/femmes, du neutre, des non-binaires ou de l’iPhone 13 en 5G au volant, n’étaient pas franchement prioritaires. 😉 La formulation a muté jusqu’à devenir, quasiment 500 ans plus tard, « le masculin l’emporte sur le féminin ».

« Ô scandale ! Patriarcat ! Injonctions et Mercure Rétrograde ! ». Bon, quelles qu’en aient été les justifications originelles, elles se sont de toute façon perdues en cours de route, tout comme la chanson grivoise « à la claire fontaine » a perdu de sa signification PEGI 18 sur fond de cunnilingus. Désormais, les mamans chantent volontiers la petite comptine à leurs bambins quand les professeurs de primaire enseignent (ou enseignaient) ladite règle sans arrière-pensée à leurs élèves. (Pas persuadée que ma maîtresse se soit dit « hum, et si j’enseignais vicieusement la domination masculine à mes élèves par le biais de l’orthographe ? » Où alors, la pauvre dame aurait eu grand besoin de consulter).

Dès lors, et n’ayez crainte, nous n’avons pas attendu quelque changement grammatical que ce soit pour faire avancer la cause des femmes. Nous pouvons ainsi remercier Simone Veil toujours (et entre autres), bien moins préoccupée par les problèmes de forme que par les problèmes de fond, d’avoir réussi à faire valoir le 17 janvier 1975 notre droit à l’IVG, notre droit à disposer de notre propre corps comme on l’entend. Sans elle et sa priorisation des problèmes à régler en terme de droits des femmes, c’est qu’ « on en aurait bouffé du légume » comme le dit si bien Elodie Poux. On en aurait bouffé … mais avec panache, il faut le reconnaître. Joie que de mettre au monde un bébé non désiré (qu’importe les raisons ; viol, jeune âge de la mère, malformation …), puis de remplir son joli formulaire inclusif pour fêter son arrivée. Ça aurait peut-être eu plus de gueule, non ?

Soit dit en passant, on peut lire ici et là ce genre de chose : « derrière cette règle tacite se cache un mécanisme qui induit le sexisme dès l’enfance ». Ah bon ? Alors comme ça les intuitions au doigt mouillé font foi maintenant ? Remarque c’est pratique. Et puis ça fait de belles comptines grivoises pour la suite. 😉

Bon, plus sérieusement, il serait intéressant de mener une étude afin de savoir si les enfants âgés de 6/7 ans, ont leurs fonctions cognitives assez développées pour être capables non seulement de comprendre « l’analogie du démon patriarcal », mais surtout, de la déduire seuls, presque instinctivement, sans qu’on les y ait guidés. (A est à B ce que C est à D, dans un rapport strictement identique). Sont-ils alors seulement capables, seuls, d’en déduire que si le masculin l’emporte sur le féminin dans l’orthographe, les hommes dominent les femmes dans la vie sociale ?  Lorsqu’on sait que des aptitudes très simples comme la sériation (classer plusieurs bâtons du plus petit au plus grand par exemple), ne sont pas acquises à cet âge (Piaget (1959) ), l’analogie sémantique, qui est une forme complexe de la pensée, ferait-elle office d’exception ? Selon Richland & al. (2006), l’évolution du raisonnement analogique dépendrait, entre autres, de la capacité à intégrer des relations multiples. Quant à Halford, G. S. (1992), il revendique l’importance des contraintes liées aux processus cognitifs dans l’analogie. En d’autres termes : « C’est pas si simple t’as vu !? ». Et encore moins quand on a 6 ans.

Que nos cerveaux d’adultes torturés soient capables de rapidement faire cette analogie, ça, sans problème. Mais dire que les enfants le peuvent, qu’ils le font instinctivement (tellement de zèbres parmi nous), voire même que cette formulation a un impact sur leur développement ultérieur et leur rapport à l’autre en fonction du genre, ou la la … doucement boudin créole ! Rien n’est moins sûr. Ne nous emballons pas et ne prêtons pas à cette phrase plus de pouvoir qu’elle n’en a en réalité, même si je veux bien croire que ça en arrangerait plus d’un. 😉 Il n’est cependant pas interdit de remanier ladite règle dans sa formulation pour soulager tous les esprits terrifiés.

(D’ailleurs, les défenseurs de cette écriture inclusive ne sont-ils pas eux-mêmes la preuve vivante que ladite formulation n’impacte pas la pensée future d’une personne ? Sinon, comment expliquer qu’ils ne soient pas tous devenus aujourd’hui d’affreux mysorines tyranniques !? Anayway …).

 

2 – La lecture, comment ça marche ?

« Ben … on lit les lettres quoi » … Beeennn, encore une fois, c’est pas si simple.

Allez, go pour un point grossier et accéléré sur l’approche cognitive de la lecture. (Ça paraît chiant comme ça, mais vous allez survivre).

Chez les lecteurs novices (les bambins donc), la lecture se fait par la « voie d’assemblage« . Autrement dit, ils inspectent le mot lettre par lettre en leur attribuant le son correspondant. Les mots réguliers sont parfaitement lus, les mots irréguliers (comme « femme » qui sera lu « feume »), eux, beaucoup moins. Non seulement il faut apprendre le code « lettres/phonèmes », mais en plus, il faut leur attribuer un sens.

Vous l’aurez compris, lire, ben c’est pas facile. Je dirais même que c’est plutôt laborieux. Y ajouter un « ·e » (ou « ·trice » ou autre …) à la fin de certains mots, mais pas de façon systématique, selon la situation et selon leur fonction, viendra donc encore davantage complexifier l’exercice puisque :

  1. il ne se prononce pas 
  2. il n’a pas pour vocation de retranscrire un mot, mais d’être la marque d’un « message ». D’une idéologie. (On sort donc du but premier de l’écriture qui est celui de scripter par écrit ce que l’on pense ou dit à l’oral).

En termes de lecture seule, ce « point médian » serait indéniablement un challenge de chaque bafouille pour les enfants. Et alors, en termes d’explications, j’imagine déjà le tableau : Le masculin peut être soit « masculin », soit « neutre ». Autrement dit, inclusif. (Ben oui, la forme inclusive, on l’a déjà. Mais elle ne sied guère à certains qu’elle appartienne au genre masculin. Sorte de chasse au pouvoir inavouée). Le féminin quant à lui, ne peut être -QUE- féminin. Autrement dit, exclusif. (Oh nooon ! Vas-y, file-moi ton goûter ! Moi aussi je veux englober tout le monde !). Concrètement, « bonne nuit à tous » pourra comprendre hommes et femmes, alors que « bonne nuit à toutes » ne pourra jamais comprendre que des femmes. INJUSTICE ! SCANDALE ! Mais alors, comment ensuite expliquer aux enfants qu’il faille utiliser une autre forme d’orthographe (dite « inclusive » en ce moment. La mode, les époques, tout ça toussa …), alors que la langue Française la possède déjà ? Doit-on comprendre que l’on ne comprenait pas ? Et comment expliquer alors que les femmes n’aient droit qu’à une place écrite, et non orale ? Cela impliquerait-il que les femmes ne la méritent pas ? … Et pourquoi pas leur apprendre la philosophie et la physique quantique tant qu’on y est ?

Bon, face à un enfant de 6 ans, je pense que nos querelles d’adulte devraient surtout s’effacer (comme celles de papa et maman), d’autant plus lorsqu’on sait qu’aujourd’hui, un enfant sur deux n’a pas les compétences attendues en lecture lorsqu’il termine la primaire. (Nos chers garnements galèrent ? Génial ! Compliquons-leur encore plus la tâche ! #Malin ! #Habile ! « Non mais c’est pour leur bien t’as vu ! » ).

Quant à nous, adultes, lecteurs experts en somme (enfin, normalement), nous utilisons la voie dite « d’adressage ». Concrètement, nous lisons un mot dans son ensemble et non plus lettre par lettre. Pour faire bref et de façon très grossière (mais rien ne vous empêche de consulter les explications de l’enseignant/chercheur en psychologie cognitive Daniel Zagar pour approfondir le sujet), nous lisons en regardant la forme globale du mot, complétée par sa première et sa dernière lettre. Raison pour laquelle certaines lettres peuvent être interchangées au sein d’un même mot sans pour autant qu’on ne le remarque. Or, avec l’écriture inclusive, « guess what » ?! Ben ça fout tout en l’air !

Je n’ai vu aucune étude expérimentale sérieuse à ce jour (sans biais métrologique j’entends) portant sur la lecture de l’écriture inclusive. Mais au regard de ce que l’on sait déjà, tout porte à croire que l’équilibre de la lecture en serait perturbé puisque l’apparence générale du mot l’est indéniablement. Alors oui, évidemment que nous parvenons à lire, mais en basculant sur une lecture dite « d’assemblage » (comme celle des enfants donc. Que j’aime cette douce régression !), plus lentement, de façon plus ou moins laborieuse selon le degré de destruction du mot, en compromettant parfois jusqu’à la compréhension du message tant il est brouillé. Petit exemple pour toi lecteur habile : « Cher·e·s client·e·s, Vous serez prié·e·s d’être compréhensif·ve·s et coopératif·ve·s concernant nos nouvelles règles d’hygiène. » Hum, quel délice !… Alors, on n’est pas bien là ? À faire l’autruche en se disant que « gneugneugneu, moi j’vois pas où est le souci. » Si certains ne le voit pas, les sciences cognitives, elles, l’entrevoient sans problème. 😉

 

3 – Écrit / oral, même combat ?

Dans la langue Française, ce qui ne se prononce pas tend à disparaître. Par exemple, le « F » de « clef », au profit de « clé ». L’écriture inclusive, c’est strictement l’inverse. On ajoute à l’écrit quelque chose qui ne peut pas se prononcer à l’oral. L’on vient alors nous expliquer que c’est la symbolique qui importe, et que par le symbole, une réalité en découlera forcément. Si le féminin est rigoureusement spécifié/accentué, dans chaque masculin neutre (et donc inclusif), alors inévitablement, la société changera, nos salaires seront identiques à ceux des hommes, le patriarcat sera aboli et Chalamèche sera charismatique dans Dune. Bon, je grossis volontairement le trait mais on comprend bien qu’un objectif est derrière. (Et heureusement sinon pourquoi tout ce chahut ?). Alors non, je ne dirais pas que c’est une vision naïve des choses. Non, je ne dirais pas que c’est illusoire. Et non, je ne dirais pas que Simone Veil avait tellement raison … Je me contenterais seulement de le penser très fort par écrit.

Et lorsqu’on y réfléchit plus d’une minute, on s’aperçoit que certains savourent comme une victoire, la progression de l’écriture inclusive. En suivant leur raisonnement, ils savourent donc le fait que les femmes ne soient présentes qu’à l’écrit, continuant d’être transparentes à l’oral. Tout ça pour ça ? Non, sérieusement ? Tout ce vacarme pour une prétendue demi-égalité, illisible qui plus est ? Ce ne serait pas se tirer une balle dans le pied par hasard ? Être l’égal de l’homme oui, mais en silence s’il-vous-plaît ! Et surtout, que ça fasse bien saigner les yeux !

 

4 – L’hypocrisie reine au royaume de l’inclusion.

Vous ne sentez rien ? Non j’veux dire, vraiment rien ? … Ben sentez plus fort.

Reniflez-moi cette bonne vieille odeur d’hypocrisie teintée de bienveillance haineuse. Celle-là même qui s’exclame sur Twitter « J’EXIGE LA BIENVEILLANCE ! ». C’est qu’on n’est plus à un contre-sens près. La progression de l’écriture inclusive apporte désormais avec elle, cette idée sous-jacente de bien et de mal. Ses utilisateurs sont les gentils, ses réfractaires sont les méchants. Plutôt binaire comme raisonenemnt. Remarque c’est bien. ça facilite le travail des neurones. Esprit simpliste et manichéen bonjour ! Autre avantage et pas des moindres ; puisqu’il est inconsciemment admis que l’écriture inclusive est la voix des bons, pourquoi résister ?! Il suffira alors de l’adopter pour passer immédiatement dans le camp des charmants. #Pratique. Un peu comme la photo noire à l’époque de « Black Lives Matter » servait d’alibi face au racisme. Une abonnée m’avouait alors : « ben moi je l’ai mise parce que j’avais pas envie qu’on me dise que je suis une raciste ». Aaahhh les convictions ! C’est beau ! (Ceci étant, loin de moi l’idée de fustiger cette jeune abonnée qui, on le comprend aisément, ne savait pas vraiment ce qu’il retournait derrière cette appropriation du mouvement BLM au profit de la famille Traoré, le message terrible que cela renvoyait sur toute la communauté noire et surtout, cette jeune femme qui craignait de devenir « persona non grata » auprès de son entourage). Le dictat de la bien-pensance, cette extinction de l’opinion propre.

Quoi qu’il en soit, le message est clair : admirables d’un côté, salauds de l’autre. Et ça, les webzines, les magazines, les marques, ils l’ont bien compris !

– Tiens, et si on se la jouait « jeune » en utilisant leurs revendications du moment pour en faire un argument marketing et leur vendre des produits ? ».

– Super idée Gilles ! Mais on est inclusifs nous ? En vendant un calendrier de l’avent de sextoys uniquement pour couples hétérosexuels ?

– Ah ben non Corine, mais tu crois vraiment qu’ils vont s’encombrer de ce détail ? Fais pas chier, ça va passer crème.

– Super ! j’ai ma petite nièce qui écrit en inclusif. Elle va faire un stage chez nous et elle nous écrira tous les textes.

Et de s’auto-congratuler sur fond de « t’as vu comme on est mieux que la concurrence ? » « T’as vu comme notre marque revendique du message fort dans la tendance ? » « T’as vu comme notre magazine est trop cool et dans l’air du temps ? ». Et c’est comme ça que la grande majorité des mag’ et des enseignes s’adressant à un public jeune, ont adopté fièrement l’écriture inclusive, ce formidable outil marketing ! Plus hypocrite, plus bien-pensant, tu peux pas.

Et pour aller plus loin dans l’hypocrisie, j’ai même été contactée il y a quelques jours par une marque s’adressant à moi comme si j’étais une personne non binaire, tout en m’appelant par mon prénom 2.0 « Janis » et en m’expliquant aimer mon travail. (Une marque donc sensée me connaître. Mais bon, n’ai-je pas dit que cette écriture était le « Dallas Multi-pass » des gens bien ?)

Vous l’aurez donc compris, si vous souhaitez élever votre personne, votre magazine ou votre enseigne au rang suprême de « défenseur des femmes, ami du bien, ennemi des guerres, et paix dans le monde » (un vrai discours de Miss France), vous savez désormais quoi faire.

NB : Pour ma part, j’avoue que je préfèrerais tout-de-même avoir un salaire équivalent à ceux qui prétendent me défendre et accessoirement, un jugement comme il se doit du détraqué qui a harcelé une soixantaine de jeunes femmes – dont moi – pendant plusieurs années. Mais le pervers a été pardonné par le juge (ceux qui me suivent sur Instagram savent de quoi je parle), les salaires resteront identiques et l’écriture inclusive continuera de nous rappeler à quel point il est si doux de nous instrumentaliser. Ainsi va le monde, aveugle, mais tellement bien-pensant.

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5 – Écriture inclusive, vraiment inclusive ?

S’il y a bien un argument allant contre cette écriture que l’on a énormément entendu, c’est celui de l’exclusion des personnes dites « dys ». Et il est évident que ma mère dyslexique (maman si tu passes par-là, p’tite « cassedédi » l’air de rien) ; qu’elle lira donc, les quelques mots posés ici et là écrits en « inclusif » à base de « point baladeurs », en grimaçant des yeux et en s’y reprenant à plusieurs fois pour déchiffrer ce nouveau dialecte. Mille excuses maman.

Il est certain qu’au nom de la bien-pensance idéologique, ce sont les désagréments concrets que nous allons observer. C’est donc sous couvert d’inclusion que nous allons exclure une partie de la population. #Genius ! Mais comme se défendent certains adorateurs de l’écriture inclusive : « Ça va ! C’est qu’un « ·e », c’est pas si horrible non plus ! Pis y’en a pas beaucoup des dyslexiques. ». Trop de compassion chez ces bien-pensants. Trop d’empathie. C’est que j’en aurais presque versé ma petite larme. D’autres ont quant à eux, tout simplement nié, en expliquant que l’on « parlait au nom de », sans savoir. (Big up maman ! Et bon courage !). Et bien les voilà désormais soulagés face à cette zone de flou puisque c’est récemment Matthieu Annereau le président de l’APHPP (Association pour la Prise en compte du Handicap), lui-même mal-voyant, qui a pris la parole pour tout simplement, demander l’abandon de l’écriture inclusive. (Oui parce que les non-voyants ou mal-voyants galèrent aussi pas mal lorsqu’ils utilisent des synthèses vocales pour lire les textes, y compris les textes officiels de certains maires. Coucou la mairie de Lyon ! Alors, on fait du zèle les verts ? On passe du GreenWashing au WomenWashing ? C’est qu’il faut se faire mousser pour bien se faire voir de ses électeurs). 😉

Débat sur l'écriture inclusive

Ouais bon, ‘font chier ces salauds d’handicapés aussi ! Nous on a un point baladeur à coller au cul des mots pour flatter la gente féminine.

Alors merci mais non merci. Bisous.

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6 – Et le pronom « iel » (iels / ielle / ielles) fût

Si vous n’avez pas entendu parler de l’histoire du Petit Robert et de l’intégration du pronom « iel » (« iel » / « iels » au masculin, « ielle » / « ielles » au féminin, j’avoue, j’ai ri) dans son dictionnaire en ligne, c’est que vous faites partie des troglodytes. (Ou que vous avez perdu à Squid Game … au choix).

Débat sur l'écriture inclusiveDébat sur l'écriture inclusive

Les fervents défenseurs du pronom « iel » (les gentils quoi, ou presque … quand on voit la véhémence que ça amène), créateurs de cette contraction plaçant le « il » avant le « elle » (il – elle – iel ; « le masculin l’emporte sur le féminin » tout ça toussa), ont-ils statué sur son accord ? Comment ses utilisateurs du quotidien font, pour formuler des phrases aussi simples telles que « iel est heureu … » heureux ? heureuse ? Iel est quoi ? Iel est audacieux ? Audacieuse ? Iel est un chanteur ? Une chanteuse ? Enfin bref, je pourrais y passer ma vie mais quoi qu’il en soit, cette question demeure pour moi sans réponse. Devons-nous trouver un terme nouveau pour chaque adjectif, chaque profession, chaque participe passé, afin d’en déterminer un neutre ?

Je précise, au cas où ce détail aurait échappé à certains, que la langue Française n’est pas une langue neutre. C’est d’ailleurs à mon sens, ce qui en fait sa richesse. Ainsi, même les noms ont un genre. UNE table. UN stylo. Ce qui complique aussi ardemment la tâche aux anglophones. Et c’est ce qui occasionne de belles perles comme celle-ci par exemple :

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Et en parlant de langue neutre et des prétendus effets néfastes d’une langue genrée, sachez qu’il existe des langues sans féminin, sans masculin (donc neutres, donc inclusives). Croyez-vous que les femmes et les minorités y soient plus respectées ? Le Turc, le Persan ; voilà des langues neutres. Qui a dit que les populations étaient nécessairement à l’image de leur langue ?… Que modifier l’orthographe du français aurait donc nécessairement des répercutions dans le réel ? Gare à ne pas trop se bercer d’illusions, à ne pas trop fantasmer sur l’hypothétique pouvoir d’un simple point, d’un simple nouveau pronom.

 

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Conclusion

Et si tout ça était contre-productif ?

Bon, c’est le moment où l’on parle un peu plus franchement. Je pense que vous l’aurez compris, l’écriture inclusive et moi, c’est pas vraiment une grande histoire d’amour.

Si l’on met sa mauvaise foi de côté quelques instants, l’écriture inclusive est tout sauf « juste un ·e » comme je l’entends très souvent. (Sous-entendu « détendez-vous, c’est rien, c’est juste un « ·e »). Nous venons de voir plus haut que cette écriture modifie l’orthographe (et indirectement la lecture) bien plus que ne le ferait un simple détail. Ajoutez à cela sa vocation non dissimulée à transformer le Français en une langue neutre (donc à effacer les femmes ; un comble), c’est véritablement un changement en profondeur qui est souhaité, et revendiqué. À nouveau, le Français n’étant pas une langue neutre, vouloir la transformer à ce point reviendrait à parler une autre langue. Et il n’est pas raisonnable de penser que tout une nation serait prête à modifier ses habitudes de vie, sa façon d’écrire, de lire (on parle littéralement de bouleverser son quotidien concernant une tâche que l’on fait plusieurs fois par jour – du paquet de pâtes au dernier Goncourt) à la demande d’une petite partie de la population. L’intention est louable, la façon d’y parvenir, beaucoup moins.

Des personnes misogynes, homophobes, transphobes, qui ne comprennent et ne veulent pas comprendre ces problématiques, rien ne sert de faire l’autruche, il y en a. Ces gens-là, jamais de la vie ils ne modifieront leurs habitudes, et encore moins à cause d’une partie de la population qu’ils n’apprécient pas. Pire encore, ce changement sera nécessairement perçu comme une punition. Conséquence : un rejet bien plus violent et marqué qu’auparavant. Rien de bon ne sort jamais d’un sentiment de punition (Réponse classique mise en évidence par Skinner lors de ses nombreuses études sur le conditionnement opérant – récompense vs punition). Ne vous méprenez pas, jamais ils n’y adhèreront. Le croire, c’est se fourvoyer. Quant à ceux qui n’avaient pas d’avis sur la question, les contraindre à modifier leurs habitudes, leur façon de lire, leur langue natale, c’est prendre le risque de provoquer chez eux une aversion contre la population qui en est à l’origine. Surtout avec le type de réaction que l’on voit de plus en plus germer sur les réseaux sociaux par les utilisateurs de cette écriture. Brimades et véhémence se multiplient envers ceux qui refusent de s’y « conformer » (où quand les « opprimés » deviennent les « bourreaux »). Sans compter l’absence totale de nuance : « il n’aime pas l’écriture inclusive ? C’est qu’un sale homophobe ». La dernière fois que j’ai vu un mec prendre un tel raccourci, c’était Ayrton Senna.

Débat sur l'écriture inclusive

On ne contraint pas une population entière à modifier sa façon d’écrire, de lire et de s’exprimer. Forcer des gens qui n’ont rien demandé et ne se sentent pas concernés, c’est le meilleur moyen de les avoir un jour contre soi. Et qu’on le veuille ou non, toutes ces marques et ces magazines qui s’emparent du mouvement par pur « jeunisme » ou pour des raisons mercantiles, obligent indirectement ceux qui n’adhèrent pas à cette écriture inclusive, à y adhérer de force.

Ne nous voilons pas la face. Utiliser l’écriture inclusive, c’est évidemment faire passer un message (c’est le but), mais c’est aussi et surtout contraindre l’autre à modifier son mode de lecture. Deux résultats possibles. Soit il suit le mouvement (par conviction, par envie « d’en être », ou par peur d’être raillé), soit il s’y oppose. Mais le problème avec ce mouvement très bien-pensant, c’est que l’amalgame est systématiquement fait entre « s’opposer à changer ses habitudes » et « s’opposer au message ». Or, les 2 n’ont strictement rien à voir. Et par cet amalgame, on fait indirectement comprendre à l’autre qu’il est dans l’erreur, qu’il est un imbécile, qu’il ne comprend rien et qu’il est forcément mauvais puisqu’il ne fait pas partie du camp des gentils scripteurs inclusifs. On culpabilise l’autre, qui se replie inévitablement sur lui, et le dialogue est rompu. Mais vouloir l’adhésion par la force, c’est avoir l’assurance de la perdre.

Enfin, gare à cette victimisation permanente. Je réitère et persiste à penser qu’il est naïf de croire que le point médian et tout autre modification auront le pouvoir de tout arranger, de faire changer les mentalités. D’autre part, penser que les femmes ont besoin de cette écriture inclusive pour avancer, c’est avoir bien peu d’estime pour elles. Les femmes ne sont pas stupides et si elles souhaitent accéder à la médecine ou que sais-je, ce n’est pas le terme « médecin » ou l’absence d’un « ·e » qui les en empêchera. Nous n’avons pas besoin de permission, pas besoin d’approbation, et encore moins besoin d’être instrumentalisées par le premier crétin venu qui souhaite se faire bien voir.