« Toi, t’as vraiment rien compris ! »

Ça, c’est ce qu’il est plus ou moins ressorti de mon article sur le sujet de l’orthographe après sa publication. S’en sont suivi moult commentaires par mails, réseaux sociaux voire même quelques-uns sur mon blog, sorte de lynchage généralisé où chacun s’est senti d’humeur badine à s’improviser « juge de la vérité ». Et un juge de la vérité, ça donne quoi ? Et bien ça donne à peu près ça :

  • Ben la réforme, elle est bien, j’vois pas où est le problème

  • N’importe quoi, le gouvernement n’a rien à voir là-dedans

  • C’est l’académie Française qui l’a décidée et c’est pas d’aujourd’hui, t’as vraiment rien compris

  • Le problème avec ce que tu écris, c’est que le chômage n’a rien à voir là-dedans.

  • Tout le monde est contre mais franchement, y’a pas de quoi fouetter un chat ! Revois ton article

Toutes ces girouettes pour m’expliquer à quel point il est mauvais de penser différemment ! Tous ces moutons qui aimeraient m’obliger à bêler aussi mal qu’eux ! Celles et ceux qui la veille, s’enflammaient à coup de « si toi aussi tu pleures le i de ton Oignon, partage ce com’ » ont ensuite retourné leur veste et unis leur doigts dans le but de me vomir au visage ce qu’ils avaient vaguement entendu sans réfléchir outre mesure. Mais « qui a vomit a dîné » … et force est de constater que le repas a dû être affreusement lourd !

Les pères et mères morales, les donneurs de leçons, les théoriciens au rabais de la langue Française … tous ont dégainés leur plus beau costume sermonneur histoire de chanter à l’unisson « quelle belle réforme ! Elle est comment la réforme ? Elle est belle !!! ». C’en était émouvant de connerie ! J’ai même vu un article de 15 pages pointer le bout de sa prose (en totale humilité évidemment) dont le but n’était autre que de nous expliquer, à nous, pauvres internautes ignares, TOUTES les règles de notre langue Française ! La finalité étant de parvenir à cette magnifique conclusion « vous voyez, pour bon nombres de règles, on ne s’en souvient plus alors, à quoi bon les conserver ?!… ». Et d’achever le tout par « Cette réforme, qui n’en est pas une, est cohérente, je l’approuve ! Bon, je ne l’utiliserai pas hein, ou juste ce qui m’arrange, mais je l’approuve ! ». Ou comment foutre en l’air une explication longue et rébarbative en une seule phrase.

Bref, je vais comme convenu, répondre à tous ces agités du bulbe, hurlant au scandale face à mes propos non conformes à leur feed facebook .

L’académie Française n’a pas pondu ce texte mais s’est contentée d’approuver celui du conseil supérieur de la langue Française (on ne sait trop comment ni pourquoi, en sachant que bon nombre de membres étaient en total désaccord avec toutes ces simplifications ; d’Ormesson, Peyrefitte, Levi-Strauss et j’en passe). Je vous conseille de lire un peu plus les journaux, on y apprend parfois des trucs plus intéressants que sur facebook 😉

Les éditeurs ne font évidemment pas ce qu’ils veulent et pour modifier les manuels scolaires, il faut l’aval ou les recommandations de l’éducation nationale. (Imaginez le BORDAIL si chacun y allait de sa petite lubie méthodologique). C’est donc en 2008, sous Sarkozy, que le ministère a approuvé la blague et c’est en novembre 2015 qu’il a VIVEMENT conseillé aux éditeurs de se mettre au diapason de la simplification en publiant « dis bonjour à la maitresse » sans ^^. A noter que désormais, Belkacem rejette la faute sur l’académie Française, qui elle-même se dédouane d’avoir pondu tout ce cirque à l’époque de Rocard. Aucune autorité n’assume, et l’effet patate chaude d’une réforme dont plus personne ne veut ne fait qu’éveiller les soupçons sur un laxisme ambiant effrayant.

Le rapport avec le chômage est simple : pendant qu’on s’attarde à discutailler nénuphar et circonflexe autour d’une petite réunion Tupperware, la crise suit son cours sans même nous chagriner. Mais c’est déjà ce que je sous-entendais en écrivant « C’est qu’il faut bien l’occuper la populasse Française, pour que la forêt « vrais problèmes » soit planquée par l’arbre « réforme inutile » « .

Enfin, si cette réforme est si géniale que ça, pourquoi personne ne souhaite l’appliquer et pourquoi chacun envisage d’enseigner l’orthographe « à l’ancienne » à ses enfants ?

Au fond, cette « réforme » (ce n’est pas une réforme, bla bla bla, oui oui, moi aussi j’ai la TV), est plus subjective qu’autre chose. Certains sont attachés à notre langue, à son histoire, d’autres pas. Toutes ces modifications font davantage appel à notre affect plus qu’à notre bon sens. Peut-être qu’aujourd’hui, écrire oignon sans son i serait plus cohérent mais peut-être aussi qu’abandonner ce i reviendrait à abandonner une part de notre histoire, de notre langue ; le « pourquoi », sorte d’indice à la professeur Layton, nous renvoyant à une culture et non pas à une anomalie orthographique. L’on entend alors que la priorité n’est pas à l’apprentissage de ces irrégularités mais aux structures que les élèves ne parviennent plus à maîtriser. Sauf qu’adapter l’apprentissage aux élèves en difficultés n’a jamais rien amené de bon. Non pas qu’il faille les ignorer, mais si ces élèves sont en perpétuelle augmentation, alors c’est tout notre système éducatif qui est à revoir. Mais croire que de la simplification, naîtra une quelconque amélioration du niveau scolaire moyen ; c’est à peu près aussi absurde que de croire en la hausse du pouvoir d’achat suite à une dépréciation de notre devise européenne.

Pour conclure, je remercierai toutes celles et ceux qui ont perdu leur temps précieux pour m’expliquer à quel point j’étais ridicule de perdre le mien. Que de conseils avisés m’ordonnant de bien fermer ma gueule puisque n’allant pas dans le sens du vent. Tous ces gens si cultivés, si concernés et si avisés autour d’une réforme orthographique « QUI N’EN EST PAS UNE » ! T’as compris ?… Ils ont raison ! Jouons sur les mots à défauts de pouvoir les préserver. Une réforme qualifiée de « pas si grave », de « pas importante », « pas si mauvaise finalement», raison pour laquelle personne ne souhaite l’appliquer (ou partiellement, à raison d’un tiret par-ci, ou d’un accent par-là). Cohérence quand tu nous tiens …Réforme qui n’aura « aucune incidence puisque chacun sera libre d’écrire comme il l’entend ». Mais chacun sait que le temps se chargera d’effriter nos mémoires. La « clef » que j’écris toujours avec un F est aujourd’hui largement orthographiée phonétiquement, chose impensable il y a de cela 30 ans. Mémoire qui vrille et se dissout dans l’effilochement d’une actualité toujours plus obèse, toujours plus grossière. La recherche de la simplicité est un gouffre sans retour. Mais les sympathisants de l’acceptation béate, ces phasmes coprophiles dictateurs de leur pensée unique, n’y voient là qu’une opportunité à laquelle il faut adhérer sous couvert d’une évolution guignolesque.

A toutes celles et ceux qui se sont improvisés donneurs de leçons sans en avoir les moyens, « je n’vous embrasse pas », j’ai un journal à lire. 😉

THAT'S ALL FOLKS